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RENCONTRE AVEC DOMINIQUE BILLARD

Mercredi 15 mars 2023

Sérigraphe et coloriste, Dominique Billard nous ouvre les portes de son atelier situé au fond d’une cour de Montmartre, quartier paisible où il a grandi et travaille la couleur depuis toujours. Il a bâti d’un côté son amour pour la couleur auprès d’une mère peintre et coloriste et de l’autre pour l’art auprès d’un père photographe. 

Des pots en verre remplis de pigments ou de poudres colorées jonchent le sol et recouvrent les étagères. Rencontre avec un artisan d'exception au coeur de Paris. 
Un moment hors du temps sur le thème de la couleur. 
Comment décririez-vous le métier de coloriste ? 

“Nous faisons un métier particulier parce qu’en réalité nous faisons deux métiers différents. Nous faisons de la sérigraphie qui est un système d‘imprimerie très ancien, cela doit avoir 2 000 ans et le processus s’est développé dans les années 50 un peu plus industriellement. La sérigraphie est un procédé assez simple au fond, c’est une sorte de pochoir amélioré. En sérigraphie on peut imprimer sur n’importe quel type de matériaux, supports comme par exemple la céramique, avec tout type de fluide. 

En plus d’être sérigraphe je suis aussi coloriste. Nous associons la couleur et la sérigraphie, nous fabriquons la couleur, nous la formulons, puis nous la déposons ensuite en sérigraphie. Nous fabriquons ainsi des masters couleurs."

Qu’est ce qu’un master couleur ? 

"Un master couleur est une planche ou un échantillon couleur qui sert de référence et qui est distribué aux différents fournisseurs.
Stylistes, teinturiers, imprimeurs, industriels … ont ainsi en leur possession des planches de couleur identiques, dont l’état de surface et la brillance sont neutres.
Il est important de distribuer des éléments neutres car si l’on distribue des éléments texturés ou brillants, chaque partenaire interprétera la couleur de façon différente.”

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La lumière influe-t-elle sur la perception de la couleur ? 

"Bien-sûr! la lumière est prédominante dans notre métier. La lumière naturelle est notre référence mais elle est instable; elle change suivant la saison, suivant l’heure, la météo et le lieu et elle ne change pas seulement d’intensité mais aussi de composition, de spectre coloré.
Un après-midi ensoleillé n’a rien à voir avec un matin pluvieux et sous cette lumière, une couleur observée à Paris ne sera pas perçue comme à Tombouctou."
Quelle classification des couleurs utilisez-vous ?

"Je n’utilise pas Pantone qui est un système très bien, ancien, international et peu onéreux, mais limité. Si l’on souhaite travailler la couleur de manière plus intense, il est mieux de travailler avec des atlas de couleurs, c'est-à-dire des systèmes en trois dimensions, exactement comme cette maquette qui s’appelle arbre de Munsell. En effet, il y a trois dimensions dans la couleur : la teinte, la clarté, la saturation. La théorie de Munsell date de 1905, c’est le premier système en trois dimensions qui tient debout. C’est le principe qui prévaut encore aujourd’hui et qui est parti pour prévaloir longtemps. On a sur l’équateur de ce système la gamme de couleurs que l’on connaît, l'arc en ciel si l’on peut dire cela comme ça, rouge, jaune, vert… en somme la suite logique des couleurs comme on la connaît tous. Au centre on a un ensemble de couleurs que l’on ne voit pas parce qu’elles ne sont pas représentées : une gamme de gris qui va du blanc au noir, le noir est en bas, le blanc est en haut, respectivement le sombre et la lumière. Les couleurs sont ensuite classées par clarté. Enfin, elles sont étendues vers l’extérieur par saturation, les couleurs vives sont à l’extérieur et plus on se rapproche du centre et plus les couleurs sont désaturées.”
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Comment utilisez-vous concrètement cette classification des couleurs ? 

"J’utilise l’atlas NCS: Natural Color System qui est un système Suédois tridimensionnel qui s’inspire de l’arbre de Munsell.
Chaque page de cet atlas correspond à une tranche du modèle en volume de Munsell. Il y a 2 tomes de cet atlas; l’un est dédié aux couleurs chaudes etl’autre aux couleurs froides.
Chaque page de cet atlas présente un classement particulier qui se nomme « triangle de désaturation » : chaque page est consacré à une couleur pure qui sa désature vers une gamme de gris neutre.
Cette planche par exemple est faite uniquement avec du orange mêlé de noir et de blanc. Si on extrait trois échantillons très différents de cette planche, cela crée une harmonie « homochrome » .
En effet, il y aura une harmonie puisque c’est strictement la même couleur avec des différences de saturation et de clarté."
Un peintre qui fait un usage extraordinaire de la couleur ? 

“Michel Carrade. C’est un peintre dont j’ai un tableau ici même. C’est absolument incroyable l'expérience de couleurs que fait Michel Carrade. Je trouve cela fantastique en termes de couleurs. Autour de ce vert on a du jaune et du bleu avec des différence de saturation et de clarté, Michel Carrade propose ici des gammes dites analogues.”

Un musée qui vous parle particulièrement ? 

"Le musée Soulages à Rodez est fantastique.Ce musée est construit pour lui et il a participé directement à la construction du musée. Il a tiré un parti incroyable avec la lumière. Les sols du musée sont en acier et les murs sont blancs ou en acier, il y a des grandes baies vitrées, et il y a des jeux de lumières très intéressants. C’est la première fois que je vois un peintre créer un environnement spécifique autour de sa peinture pour la valoriser."